Question incontournable pour quiconque s’intéresse à la mythologie nordique, les voyages des Vikings fascinent pour mille raisons. Parmi celles-ci, le courage de ces hommes du Nord capables d’affronter vents et marées afin d’explorer le globe laisse admiratif, voire dubitatif.
En effet, comment les Vikings naviguaient-ils ? À leur époque, aucun instrument pertinent ne pouvait les aider. Pourtant, certains d’entre eux sont arrivés jusqu’au cœur de l’Europe pendant que d’autres investissaient le Nouveau Monde. Est-ce le fameux drakkar qui permit de tels exploits ? L’enquête est ouverte. À l’abordage !
Les voyages des Vikings
Nous savons qu’au cours de l’ère viking, qui marque l’apogée de ce peuple nordique entre les VIIIe et XIe siècles, ces voyageurs ont navigué à travers tout l’océan Atlantique Nord. Les Vikings de Suède seraient partis vers l’Est, écumant les fleuves de Russie qui bordent les routes de commerce, jusqu’à atteindre Constantinople.
De leur côté, les Vikings danois auraient préféré le Sud en gagnant l’Angleterre, la France et la mer Méditerranée qui leur ouvrit la voie vers l’Afrique du Nord.
Quant aux Vikings de Norvège, les plus nombreux, ils auraient dévoué leurs expéditions à l’Ouest. Après avoir longé l’Écosse et l’Irlande, ils se tournèrent vers le Nouveau Monde.
Si les plus anciennes expéditions débutèrent dès l’an 800, le long et périlleux voyage entrepris par Erik le Rouge accéléra les découvertes. Ce célèbre Viking avait été banni du continent après des accusations de meurtres lorsqu’il s’installa, en 985, sur le rivage inconnu du Groenland, la Terre Verte. Leif et Thovald, ses fils, parvinrent ensuite jusqu’à la province de Terre-Neuve-et-Labrador, ouvrant les flots aux assauts de leurs compagnons.
Ces voyages successifs sont d’ailleurs retracés assez précisément par les historiens. En suivant les courants, les embarcations vikings atteignirent d’abord les îles Shetland avant de continuer vers l’Islande découverte en 860. Les Vikings colonisèrent l’île une dizaine d’années plus tard. L’explorateur surnommé le Rouge, en raison de ses cheveux et de sa barbe rousse, pénétra les terres, alors verdoyantes, du Groenland. De là, les expéditions s’éloignèrent vers l’Amérique du Nord-Est qui fut accostée dès l’an 1 000, bien avant qu’un certain Christophe Colomb ne fasse parler de lui. Pourtant, aucun instrument d’orientation ne pouvait venir en aide aux Vikings.
Comment les Vikings naviguaient-ils sans boussole ?
Selon les récits nordiques et des découvertes archéologiques parcellaires, une pierre aurait eu le pouvoir de guider les vaillants Norvégiens. Mythe ou réalité ?
La pierre de soleil
La pierre de soleil viking, Sólarsteinn, désigne un cristal polarisant la lumière. Cette répartition des ondes lumineuses permettrait d’indiquer la direction du soleil même lorsque celui-ci est dissimulé par les nuages. Tu imagines facilement l’avantage que les Nordiques auraient tiré d’un tel outil en parcourant les mers arctiques !
Bien que nous n’ayons pas de preuves corroborant cette hypothèse, elle paraît tout à fait plausible. D’après le récit de la saga de Hrafn, la pierre de soleil est un cadeau de l’évêque Guomund. Elle possède notamment le pouvoir de se transformer en objet sans valeur si elle tombe entre de mauvaises mains.
Dans l’histoire de Raudulf, fermier capable d’interpréter les rêves, le roi Olaf lui rend visite en vue de tester les talents de ses fils réputés pour savoir localiser les astres. Par un temps couvert et neigeux, le roi convoque Sigurdur et Dagur, les fils de Raudulf. En l’absence du moindre coin de ciel bleu, le roi ordonne à Sigurdur de désigner le soleil. Le jeune fermier lui répond sans hésiter. Olaf va alors chercher la pierre de soleil, la tient au-dessus de lui et confirme ses dires.
Dans la populaire série Vikings, le légendaire guerrier viking Ragnar Lodbrok utilise également une pierre de Soleil pour naviguer jusqu'en Angleterre malgré le temps nuageux.
D’un point de vue plus scientifique, la pierre de soleil pour la navigation des Vikings serait composée de cordiérite. Ce minéral présent en Norvège scintille au soleil et ses variations de couleurs, du jaune au bleu ou au violet, s’accordent avec son orientation. Une telle matière pourrait donc révéler la direction du soleil dans un ciel partiellement nuageux.
Néanmoins, cette roche s’altère rapidement ce qui rend son usage en navigation longue improbable. Or, si les Vikings attendaient la saison propice aux déplacements maritimes, ils voyageaient ensuite durant des mois.
Une autre composition possible pour cet outil de navigation viking serait la calcite-spath d’Islande. Ce roc d’argent composé de carbonate de calcium translucide possède la propriété de double réfraction. Il fournit ainsi une image dédoublée lorsqu’il est orienté de manière adéquate, notamment vers le soleil.
Des essais par temps brumeux ont apporté des résultats concluants même s’il semble qu’un minimum d’éclaircies dans le ciel soit indispensable. Encore une fois, cela infirme la réalité de l’existence d’une pierre de soleil. Alors, y aurait-il eu un autre outil capable de favoriser la navigation de nos chers Vikings ?
Le compas solaire
Un autre moyen d’orientation attribué par certains aux Vikings serait le Sólkompas, le compas solaire. Cet objet à la technique éprouvée se prépare la veille du départ en mer. Sur un disque muni d’un gnomon, tige centrale verticale, bien posé à plat, il suffit de marquer à intervalles réguliers l’extrémité de l’ombre portée par le gnomon sur le disque en fonction de l’orientation du soleil. Ensuite, le traçage d’une courbe et d’un axe Nord-Sud permet de faire coïncider le gnomon avec les points de la courbe lorsque les voyageurs sont en mer.
Cet outil de navigation aurait pu exister au temps des Vikings d’autant plus qu’un disque dentelé de ce type a été découvert sur les terres norvégiennes. Rapidement attribué aux Nordiques médiévaux, cet objet fut toutefois différencié d’un probable compas solaire viking en raison de sa taille minime qui correspondrait, au mieux, à une miniature et à ses dentelures irrégulières indignes de la maîtrise technique de nos héros anciens. Ainsi sans outil, la capacité à naviguer à vue des Vikings aurait-elle été leur unique alliée ?
La navigation à vue
Depuis l’Antiquité, les navigateurs excellent dans l’art d’observer la nature. Les Vikings ne dérogent sûrement pas à cette règle. Si nous ne possédons que peu de détails sur leur manière de procéder, l’attention aux signes constituait sans doute le meilleur moyen de se repérer en mer.
Nous ignorons quelles espèces animales étaient les plus instructives pour les Nordiques. Toutefois, à l’aide des lectures des sagas, il est avéré que l’observation des oiseaux, des cétacés et des mammifères marins constitue la méthode principale des marins.
Leur proximité dévoile alors l’approche de la terre où ils vont se nourrir et se reproduire. Ajoutons à cela la connaissance poussée de ces espèces que les Vikings maîtrisaient grâce à leur mémoire indispensable. En fonction du rayon de vol de chaque oiseau, par exemple, il leur était possible d’estimer la distance par rapport à la terre.
Les Scandinaves se fiaient également à la direction des vents, mise en valeur par les girouettes dressées au sommet des mâts et des proues des navires. Quant au ciel finement scruté, il prévenait des intempéries jusqu’à plusieurs jours à l’avance afin d’anticiper une nouvelle prise de repères alors que ceux-ci allaient être balayés par une tempête ou un profond brouillard. Malgré tous ces savoirs et ces précautions, il apparaît à quel point la navigation des Vikings demeurait risquée au point que le rôle incontournable des navires ne peut être écarté.
Les bateaux vikings
Véritables œuvres d’art et de technique, les navires vikings méritent leur célébrité. Mais connais-tu vraiment les différentes sortes d’embarcations nordiques ?
Tout d’abord, un point de vocabulaire s’impose. Le terme drakkar est souvent employé à tort et à travers pour désigner les embarcations vikings dans leur totalité.
Cette image se révèle éloignée de la réalité. En effet, ce mot viendrait du norrois dreki. Dans la langue islandaise médiévale, la désinence au pluriel de ce nom deviendrait drekar et signifierait tête de dragon ou monstre. Si cela correspond parfaitement au dragon qui orne la proue des navires nordiques afin d’effrayer l’ennemi, cette dénomination ne convient qu’aux bateaux de guerre vikings et non à toute la flotte.
Les films sur les Vikings ont bien souvent tendance à ne présenter qu'un seul modèle de navire parmi les nombreux types de bateaux employés par les Scandinaves.
Pour naviguer en Atlantique Nord, les Vikings employaient davantage le knörr, une large embarcation aux usages multiples, principalement utilisée pour le transport de marchandises.
Le kaupskip s’intègre dans cette famille de navires de commerce avec une capacité de dix à trente tonnes, voire même cinquante. Sa version ventrue dédiée aux traversées atlantiques s’appelle hafskip et fit durant trois siècles la liaison entre la Norvège et le continent américain.
Moins connu encore et de taille plus modeste, le kaupskip occupe le même rôle marchand, secondé par le snekkar, long et étroit, dont la taille élancée est flanquée de têtes de dragon mythologique et de boucliers. Ce dernier navire viking fut utilisé lors des raids vers l’Europe occidentale ou dans la Méditerranée.
Cette diversité ne fait que renforcer la puissance maritime des Nordiques. Les bateaux de commerce avaient des grandes capacités de transport tandis que les navires guerriers effrayaient les habitants des rivages dès que ces derniers apercevaient les navires vikings.
Ces derniers, capables de transporter une quarantaine d’hommes avec leurs vivres, leur matériel et des chevaux nécessaires à la reconnaissance à terre, possédaient d’énormes avantages, notamment leur légèreté, leur fond plat et leurs faibles tirants d’eau.
Les Vikings pouvaient ainsi naviguer sur des petits fonds ou s’échouer directement sur une plage pour augmenter leur rapidité d’attaque. La faible charge représentée par ce type de navire donnait également l’accès aux fleuves intérieurs comme le prouve l’entrée des Vikings en Normandie via la Seine.
Il n’est pas non plus impossible que les hommes aient pu tirer leur embarcation entre deux fleuves afin de pénétrer au cœur des terres de l’Europe de l’Est. Avoue-le, les Vikings ne cesseront jamais de t’impressionner !